ça pue la mort, ça pue la pisse.

Acharné. Du genre tenace ou terrible. Qui s'accroche, plante les dents. De la rage à l'âme, une sorte de désespoir voilé. De la détresse. C'est pour les cons, ça. Des demeurés en sursis. Il aimerait y croire, quand il dégueule sa haine à la face de qui voudra bien l'entendre. Il se rassure. Se noie ensuite. Va et vient. Une tempête dans la tête. Il cherche des réponses, dégote toujours davantage de questions. Une âpreté d'abord, lorsqu'il entrouvre les lèvres et articule mal les sons, les mots. Ne termine pas ses phrases, oublie le but. Yakov, il est perdu. Insolence. Des répliques acerbes  et assassines ou le regard farouche. Un sourire de travers, ou des phrases qui font mouche. On n'apprend pas ça, de là où il vient. On apprend juste à jouer des poings et à mordre plus qu'à dialoguer. Une innocence muselée dans ce corps souvent peinturluré de bleu, de jaune ou de violet. Des hématomes et la lippe fissurée. Les esprits affranchis, qui lui apportent la liberté qu'il ne parvient pas à maîtriser ; c'est ça qui le fait s'émerveiller. Sentir. Il n'y a pour lui, finalement, rien de plus concret, rien de plus équivoque que sentir. Perception d'un contact, de sa peau à la sienne, à la tienne, à la leur. Sauvage, il l'est. Et comme toute bestiole en manque d'attention, elle approche autant qu'elle se défile. Gestes trop brusques et il s'échappe. Ronronnements et il vient, doucement, lentement. Comme par peur de briser l'autre durant une seconde de relâche. Comme par peur de se briser, durant une seconde de paix. Dans l'intimité d'un salon aux rideaux tirés. Son nid, ou sa cage. On s'y terre et on attend que la soleil décline, que la nuit s'amène. Que les étoiles chantent et que la lune danse. Un molosse à la démarche bancale, pour unique et meilleur compagnon. Dont l'agressivité se limite au vol d'emballages vides et bouteilles  de soda. Des pots de yaourts éparpillés. Un en dessous de la gueule énorme et des crocs délicats. Une langue rose qui lèche, déguste tandis que le cul tombe du coussin déglingué. Trop absorbé, aliéné par le festin. Un manège qui dure et recommence. Des manies de vieux et la simplicité d'une vie. La sienne, il croit. Elle est partie. Elle a dit qu'elle ne pouvait plus, qu'elle n'en pouvait plus. De lui ou de tout, elle n'a pas su expliquer et il n'a pas su demander. Il a levé les yeux, à peine. De quoi guigner ses traits avant qu'ils ne s'effacent de sa mémoire en vrac. Il a vu ses cheveux jaunes chuter sur ses clavicules et sa moue de conne. Des larmes, quelques-unes, sur ses pommettes et ses bras qui s'articulent devant sa poitrine étouffée par un pull trop grand ; le sien, il a noté. Elle a claqué la porte, la minute suivante. Deux sacs à l'entrée et une valise disparue et une caresse au chien. Il a baissé à nouveau les pupilles sur ses tartines, a soupiré. Regarder les films, faut avoir le temps. Le temps, ça manque. C'est une crise, en crise. Des besoins et des peurs inconsidérés. Pour et contre ce qui lui manque. Il ne réussit pas à apprécier le cinéma, pas réellement non plus la télévision. Il regarde. Le cerveau devenant de la purée, l’intérêt dissipé. L'esprit se barre à droite à gauche et Yakov s'effondre sur le canapé.   Le manuel de son lave-vaisselles. Acheté il y a une semaine, il ne sait toujours pas comment régler la machine. De l'éco à autre-mode-foireux. Yakov suppose qu'un de ces matins il aura le déclic, il lira ces foutus pages et fera, comme il était noté sur l'annonce, en gros, gras, lettres rouges et baveuses : "de supers économies !" Marie-Jeanne. Muse infernale. Cartman. Gosse obèse, grossier, immonde. Le seul auquel Yakov semble réceptif. Pas énormément. Chacun a ses problèmes et ses défauts et Yakov se fout de tout ou presque. La fuite l’indiffère, la sournoiserie l'ennuie, la jalousie lui fait hausser les épaules. La violence accapare son attention à la façon d'une merde enivre une mouche et l'hypocrisie agit sur lui comme un sédatif. Incapacité à discerner le rêve de la tangibilité. Il en a vu plusieurs se paumer à l'intérieur et ne plus pouvoir en sortir. Être interné chez les dingues, oublier jusqu'à son prénom, oublier jusqu'à vivre. Se pisser dessus, avoir un gruyère à la place de la cervelle. La vie, ça finit toujours mal. Ouais. Avec ouais, on peut tout faire. Avec ouais, on ne le fait pas chier. Avec ouais, tout devient rapidement plus simple. Avec ouais, il a gravi des montagnes et nagé à travers les ordures. Avec ouais, il a eu des problèmes, il a eu des souvenirs. Avec ouais, il peut souvent s'en tirer. Avec ses ouais, Yakov le sait, ça finira mal. Et ça le fait marrer. Suce ma bite. Qu'importe les circonstances, qu'importe son interlocuteur. Planer. Effacer les contours, lorgner l'impalpable, renier ce cosmos et sourire à la solitude. Une cigarette. Se coincer à la commissures des lèvres, mêler le plaisir à l'abominable. Jouir dans la mort, embrasser sans envies. Déverser son essence, pourrir chaque cellule. Rendre accro, orgueilleux, perdant, devenir naturel pour l'indifférence. Sans le savoir, le comprendre. Dans son sommeil, d'une balle dans le dos, d'une brique fracassée sur le crâne. D'un accident de bagnole. "Il était temps, espèce de connard."

C.BEE/JULIE Pub Bazzart. Mathias Lauridsen. Cé bow.