i wish i could leave you but i’ll never be that brave so i’ll wait. i’ll wait. La pénombre commence à recouvrir peu à peu New-York. C’est le début de soirée, il est dix-neuf heures. Ton skate dévale à toute vitesse, les roues foulant les pavés de ces rues mythiques de Manhattan qui s’étendent à perte de vue. Ton pied te donne de l’élan et tu te laisses couler ensuite sur ta planche. Tu zigzagues entre les passants, certains s’insurgeant de ton passage, d’autres ne prêtant même pas attention à toi. Le vent fouette délicatement ton visage. Tu portes une casquette Boy London blanche, un tank de jais et un short vert sapin, chaussé de Vans noires vieillies presque trouées. Le paysage urbain défile à toute allure et bientôt un deuxième skateur arrive à ta hauteur. Il te dépasse largement, continuant sa course droit devant, non sans effectuer quelques figures risquées entre les gens auparavant. Tu mets plus de vigueur dans le pied censé t’élancer mais tu finis par t’arrêter net à cause du monde. Tu sautes de ta planche en évitant la chute et tu cours la rattraper alors qu’elle dévale la rue. Le second skateur fait demi-tour après un rapide coup d’œil vers toi et revient lentement. Il tourne autour de toi sur sa planche avec un air de coq. Tu tiens la tienne dans ta main. J’ai gagné. annonce-t-il fièrement. T’as une meilleure planche. Grosse blague. Tu détestes perdre. Et tu détestes encore plus reconnaître une défaite. Tu fronces les sourcils. Arrête, ta planche porte un poids plus léger de toute manière. T’as perdu, c’est tout. Tu ne lui accordes même plus un regard et tu commences l’ascension de cette rue bondée à pied. Tu l’entends jurer derrière toi et revenir en traînant les talons. Plus tu avances et moins y a de gens. Vous arrivez silencieusement près d’une bouche de métro. Tu dévales les escaliers sans prêter une seule seconde de l’attention à l’autre. Finalement, alors que tu t’apprêtes à t’aventurer dans ce souterrain pour rejoindre ce transport mythique de New-York, il s’engouffre dans un passage en t’agrippant le bras sans douceur. Là, dans ce local technique, il pousse la porte de son dos pour empêcher quiconque d’entrer et te tire vers lui d’une main sur ta nuque. Ses lèvres viennent capturer les tiennes dans une excitation non dissimulée. Sa langue s’aventure dans ta bouche et ta main passe rapidement sous son tank. Sous tes doigts longs et fins, tu sens sa peau fiévreuse et ses abdos saillants. Ses mains viennent enfin agripper tes fesses et il te colle encore un peu plus à lui, ton corps se fondant parfaitement au sien. C’est la dernière fois que tu m’ignores, ok ? dit-il dans un sourire, satisfait de voir qu’il a une facilité déconcertante à faire tomber tes barrières.

Vous riez aux éclats, plus rien ne semble avoir d’importance autour de toi. Tu profites de cet instant avec ton amant, celui que tous connaissent pourtant comme étant ton meilleur ami. Cet instant béni qui semble se dérouler au ralenti. Quand tu vis de telles choses avec lui, tu as l’impression qu’il est normal, qu’il n’est pas ce mauvais garçon aux nombreux déboires avec la justice. Il passe un bras autour de tes épaules, te chuchotant à l’oreille pour te parler. Tu continues de rire, il fait exprès de souffler dans le creux de ton cou pour te chatouiller. Tu relèves la tête devant toi et tu remarques ton père qui vous fixe quelques mètres plus loin, affairé quelques secondes auparavant à retaper la vieille clôture en métal qui s’éventre chaque jour un peu plus. Tu te détaches doucement d’Issam. Tes mains agrippent les bords de ta veste que tu replaces correctement et tu continues de marcher, ton meilleur ami te suivant plus lentement. Tu sais qu’il doit se sentir mal à l’aise, terriblement mal à l’aise. Car malgré tous ses efforts pour paraître bon, ton père ne l’a jamais apprécié et ne l’appréciera sûrement jamais. Tu jettes un furtif coup d’œil derrière toi et tu remarques qu’Issam avance tête baissée, les mains enfoncées dans ses poches. Il tape silencieusement dans les cailloux avec son pied comme un enfant embarrassé. Arrivé à hauteur de ton père, il avance avec toi alors qu’Issam reste derrière pour vous suivre. Il y a du courrier pour toi mon grand. Ton père t’ébouriffe les cheveux de sa main libre et il jette son marteau dans l’herbe. Vous vous trouvez bientôt sur le perron et vous finissez par rentrer dans la maison. Ah, te voilà enfin ! Je trépignais d’impatience, regarde ce qu’il y avait dans la boîte aux lettres ! Ta mère tient dans ses mains une enveloppe marron. Elle tremble d’excitation, un sourire enjoué étirant ses lèvres. Ton père s’éloigne vers le salon. Tu prends fébrilement le courrier. C’est le cachet de la poste de New-York. Ouvre-la, vite ! Tu t’exécutes, tu sors la lettre blanche que tu déplies. Tu lis rapidement. Tu relèves la tête, tu n’arrives pas à y croire. Ta mère joint ses mains à sa bouche. Elle retient sa respiration. when i’m gone, when i’m gone, you’re gonna miss me when i’m gone. you’re gonna miss by my hair, you’re gonna miss me everywhere oh, you’re gonna miss me when i’m gone. Je suis admis à Juilliard. Elle hurle et saute de joie, t’agrippant dans ses bras en t’embrassant les cheveux à tout va. Elle finit par se calmer et porte ses mains à ton visage en te regardant. Je suis tellement, tellement, tellement fière de toi mon grand ! Elle te colle à elle encore un peu et tu sens son cœur battre la chamade. Tu es fier, fier de la rendre heureuse, fier de toi. Après cette étreinte, tu recules d’un pas. D’instinct, tu regardes vers le salon. Papa ! Il revient lentement, tu tends la lettre en souriant. Il se gratte les cheveux puis passe une main dans sa nuque, visiblement embarrassé. Le sourire qu’il arbore est forcé, ça se voit, tu le sais. Mes mains sont sales… trouve-t-il comme excuse. Il passe devant toi en tapotant ton épaule avant de ressortir de la maison. Tu te retournes, observant la réaction d’Issam. Il reste silencieux. Il sourit. Mais tu ne saurais dire s’il est heureux ou déçu. De toute manière, tu ne sais pas encore si tu vas accepter cette inscription. Après tout, tu ne peux pas laisser ton meilleur ami seul. Tu n’en as pas envie. T’as peur de ce qu’on peut dire de toi dans l’quartier aussi. La Juilliard… Pour un arabe. Danser ? Une honte.

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we said the words we knocked on wood, and i’m still here waiting to see what could be. what if the closest i get to the moment is now? Younès ? Descends tout de suite. Ta mère est en bas, elle t’appelle, le ton de sa voix t’inquiète. Tu t’avances sur le palier de l’escalier. Y a un problème ? Tu descends rapidement les marches et elle se tient là, debout dans la cuisine. Elle raccroche doucement sur le mur le téléphone qu’elle avait dans les mains. C’était la mère d’Issam… Tu lis facilement la tristesse dans ses yeux. Tu y vois aussi de la déception. Une profonde déception. Et tu devines aisément ce qui s’est passé. Elle n’a pas besoin de t’en dire plus. Tu ouvres lentement la bouche… mais aucun son ne sort. Tu sens une bouffée de chaleur atroce te monter à la tête. Tu poses une main sur le mur pour te retenir. Tu as l’impression que le sol se dérobe sous tes pieds. Que le ciel te tombe sur la tête. Ta mère s’approche doucement. Elle caresse affectueusement tes joues avant de te serrer contre elle. Elle sanglote. Le silence se fait roi. Plus rien n’a d’importance maintenant. Issam était parti à nouveau.

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kiss me hard before you go. Pour la énième fois, tu te tiens devant cet immense bâtiment. L’endroit est austère, il ne t’inspire pas confiance, il te fait même froid dans le dos. Pourtant, le soleil tape fort cet été-là. Les alentours sont déserts. Il règne un silence de mort sur les lieux. Les grilles qui te séparent de l’entrée sécurisée sont imposantes. Un des gardiens ouvre le portail et tu finis par emprunter l’allée de graviers. Tu ne sais pas si tu dois être effrayé ou heureux d’entrer là-dedans. Le peu de temps que tu consacres dans l’année à ta vie d’avant se retrouve ici. Tu approches dangereusement de l’entrée. Tu te retournes une dernière fois. Tu vois ta mère au loin qui te fait signe. Tu essaies de sourire mais tu n’y arrives pas. Les gardiens te pressent de passer la porte et on t’escorte dans le couloir. Tu arrives bientôt dans une petite salle où attendent déjà d’autres personnes. Tu vas t’asseoir à ta place de d’habitude, derrière ce petit bureau ridicule. Tu lèves les yeux. Ton regard se pose sur cette immonde vitre en pvc qui te sépare de lui. Et le voilà enfin, dans son habit carcéral orange. Il se précipite presque sur le téléphone pour te parler. Sa main vient rejoindre avec vigueur la plaque transparente qui vous sépare. Comme un appel au secours. Comme si pouvoir toucher ta main était devenu une drogue à laquelle il n’avait plus accès depuis plusieurs mois. Pour autant, tu ne bouges pas. Tu te contentes de baisser le regard. Ta main vient fébrilement prendre le téléphone à ta droite. Tu portes le combiné à ton oreille mais tu évites toujours soigneusement de croiser ses yeux. Tu le regardes plus. Tu n’en as plus la force. Tu entends sa respiration haletante au bout du fil. Il est épuisé. Il est au bord des larmes. Regarde-moi ! Younès, sérieux, regarde-moi. Tu ne bouges pas d’un pouce. Tu ne sais pas quoi dire. Sa voix se casse. Hey, putain, j’t’en supplie… Nouveau silence. Tu peux pas m’faire ça. Oh, bien sûr que tu ne peux pas. Mais tu dois le faire. Pour ta propre survie, tu dois le faire. La paume de sa main frappe violemment la vitre en pvc. Une fois. Deux fois. Tu sursautes, tu es prêt à craquer. Il hurle, il pleure. Tu raccroches le téléphone. Tu gardes les yeux baissés. Il s’emporte violemment, les gardes le maîtrisent rapidement. Et même derrière ce mur impénétrable qui vous sépare, tu l’entends hurler à la mort. YOUNÈS PUTAIN ! ME LAISSE PAS TOMBER ! Il se débat alors qu’il est soulevé et entraîné de force vers la sortie. Tout le monde te regarde. Tout le monde porte ce regard sur toi. Ce regard qui en dit long. Ils te jugent. Ils te méprisent. Ils ne comprennent pas ta réaction. Une femme inconnue vient pourtant vers toi. Tu éclates en sanglots. Elle te prend par les épaules et te dirige vers la sortie du parloir. Elle ne te connait absolument pas, tu ne l’as jamais vu de ta vie et tu ne la reverras sûrement plus jamais. Mais elle est là. Ne serait-ce que quelques minutes. Elle te soutient dans ta fuite. Après tout, c’est humain d’être lâche. Elle te confie finalement à ta mère qui est venue jusqu’à l’entrée, alertée par les gardiens. Tes jambes se dérobent sous toi et tu le laisses glisser sur le sol. Tu es anéanti. Mais tu finiras par te relever. Parce que la vie continue. Sans lui.

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the last time we kissed, honey, sure i miss it. you said kind words, i never forget you had this fucking look on your face. and this time around, it's all thanks to you, baby! T’es face à lui, les yeux dans les yeux. Tes mains se baladent en rythme sur ses avant-bras. Byron t’attrape par la taille et te soulève aisément. Après t’avoir fait tournoyer, il te repose et vous reprenez vos pas de danse synchronisés. Jive, rock’n’roll, boogie-woogie. Vous enchaînez toutes ces danses particulièrement épuisantes qui vous font sentir vivants. Vous ne faites plus qu’un, votre duo est rôdé depuis toutes ces années à danser ensemble. Tu ne perçois même plus les choses qui t’entourent, il te fait tourbillonner tellement vite que tu ne reconnais plus aucune forme. Tu ne fais que le regarder dans les yeux tout le long, car il te guide.

Byron, c’est ton professeur de danse depuis que t’as quatorze ans. Il a vingt-sept ans et toi t’en as vingt-trois. Mais cette différence d’âge ne vous a jamais empêché d’être proches. Bien au contraire, tu le considères comme un grand frère. Il a su t’apprivoiser, toi le garçon hyperactif qui ne s’épuisait jamais. Tes parents avaient besoin d’aide, et c’est en Byron qu’ils avaient su la trouver. Deux fois par semaine, tu te rendais dans une salle de danse de New-York où il t’apprenait tout ce qu’il savait. Étudiant à la Juilliard, il donnait des cours sur son temps libre. Quand il fut diplômé, il n’arrêta pas pour autant de t’enseigner la danse. Il était devenu ton professeur particulier, ton partenaire. Tu étais sa muse, tu l’inspirais. Il était comme Fred Astaire et tu étais sa Ginger Rogers. Un couple atypique, c’est vrai, car il était quasiment improbable de voir deux garçons devenir partenaires pour les danses de couple. Ceci dit, le jive, le rock ou le boogie-woogie n’étaient pas les seules danses qu’il t’enseignait. Il y avait également le hip-hop, la salsa, et bien d’autres encore… Son répertoire ne souffrait d’aucune limite et chaque jour était une occasion d’en apprendre encore un peu plus. C’était lui ton moteur, celui qui t’avait inspiré pour rejoindre les bancs de la Juilliard à tes dix-huit ans.

La musique sur laquelle vous dansez se fait de plus en plus rapide. Vos pas s’accélèrent encore, alors que tu pensais que vous étiez au maximum de vos capacités. Tu comprends qu’il essaie de repousser tes limites, de te pousser dans tes derniers retranchements. Tu donnes tout ce que tu as, le meilleur de toi-même, mais tu n’arrives plus à suivre la cadence. Ça devient trop difficile, même pour toi, le garçon hyperactif jusqu’alors inépuisable. Tu t’appuies un peu plus sur lui à chaque mélodie. Tu sens qu’il te soutient, mais il ne s’arrête pas de te faire danser pour autant. La dernière note de la musique retentit et c’est le silence complet dans l’immense salle de danse. Vos respirations particulièrement saccadées témoignent de votre épuisement. Tu as une main sur son teeshirt trempé de sueur, l’autre derrière sa nuque. Lui te retient d’une main dans le creux de tes reins tandis que l’autre est appuyée sur ta hanche. Vous ne bougez plus, tu poses ton front sur son torse, à bout de forces. Tu sens ses muscles saillants sous ta main, la forme de ses abdos. Tu sens aussi qu’il maintient une certaine pression dans le creux de tes reins. Il t’accole un peu plus contre lui, sa cuisse caressant inopinément ton entrejambe. Vous vous échangez un bref regard avant que tu ne tentes de retirer rapidement son teeshirt. Il ne se fait pas prier et l’enlève, le jetant derrière lui. Il te soulève de ses bras et vient t’acculer contre le mur. Tu passes tes jambes autour de sa taille et vous vous échangez un langoureux baiser. Pour la première fois en dix ans, vous laissez tomber toutes les barrières. Il finit par te décoller du mur et vient t’allonger délicatement sur le sol. Ses mains chassent le dernier obstacle, ta ceinture, avant de faire habilement baisser ton pantalon. Il pince l’élastique de ton boxer qu’il fait descendre tout aussi rapidement. Ses lèvres reviennent alors chercher les tiennes tandis que sa main caresse ta cuisse.