L'optimisme. A mi parcours entre naïveté et réalisme. Savant mélange de consciente insouciance, paradoxe étrange. Manière habile de croire que tout s'arrange toujours, que le pire est éphémère et que le soleil qui se couche ne fera que laisser la place à celui qui, à l'aube, se lèvera. C'est aussi d'une certaine manière cet optimisme qui permet de pousser les ambitions parfois un peu chancelantes de Felix. La sincérité, celle qu'on lit dans les regards, celle qu'on entrevoit dans les battements de cils. Preuve de la seule vérité qui compte dans ce monde : celle du cœur. Dans un monde bourré de faux-semblants et de m'as-tu-vu détestable, il n'imagine pas meilleur attrait qu'une personne dont la sincérité se dessine dans les prunelles. Aussi banal que sa définition puisse être, elle se résume à la vie elle-même. Bien sûr au bonheur se greffe des millions de détails insignifiants qui forme un tout capable d'embellir ce bonheur. Mais la base de celui-ci ne réside que dans le fait de vivre, pas seulement au sens propre du terme, il parle là aussi de ces instants uniques qu'on ressent à des moments parfois sans intérêt apparent qui vous donne l'impression, trop souvent éphémère, que vous êtes là, présent, consistant. Vivant. Le bonheur est là : sentir qu'on vit pas seulement au travers d'un cœur qui bat et de nos membres qui bougent, mais des sensations qui s’agrippent à nous jour après jour. Hier. Il observait, comme souvent, son appareil accroché à ses mains, à l'affût d'un instant de vie qu'il volerait encore, qu'il rendrait vivant pour l'éternité. Et il a vu. Une femme assise sur un banc, solitaire au regard vague, ses yeux brillants de larmes refoulées qu'elle gardait comme un secret. Elle l'a vu, l'allemand sur son bout de trottoir vouloir capturer le monde avec son acolyte de toujours, fixant le regard de l'étrange inconnu pour finalement esquisser un sourire. Essuyer la larme sur sa joue. Rire. Rire du vide de sa vie, de la tristesse sournoise, du sentiment pitoyable de réconfort qu'elle ressent face au regard de Felix qu'elle n'avait jamais vu. Alors il a ri, sorti comme une main tendue dans les airs, invisible et implicite. Simplement pour montrer qu'elle n'était pas seule à cet instant-là. La mort de sa grand-mère maternelle, arrivée de manière foudroyante, dévastatrice. Lui, à des milliers de kilomètres de l'Allemagne natale dans l'impossibilité de revenir pour l'enterrement. Felix se perd rarement dans la tristesse, ce jour-là pourtant, il n'avait observé personne avec son appareil photo, non, il s'était contenter de conduire longtemps, jusqu'au bord de mer le plus proche et d'attendre que les heures passent, capturant la mélancolie d'un océan serein qui soufflait un réconfort douloureux aux oreilles de Felix. Sans doute la ligne verte. D'une banalité affligeante mais Felix n'est pas de ceux qui peuvent prétendre connaître beaucoup de film, il a passé son enfance à supporter les soap allemands dont sa mère était fan. Ses connaissances cinématographiques se limitent à de rares films, souvent les plus connus pourtant très peu. Ajoutons à cela que sa télé date d'une autre époque, offrande sympathique de son grand-père pour son déménagement en Amérique mais qui n'est absolument pas capable de diffuser un programme sans grésiller plus fort que les voix. Aucun de précis. Felix tient un cahier devenu vieux depuis le temps, la moitié des pages sont froissées, mais c'est le seul livre de chevet qu'il a. A l'intérieur sont annotées tout les passages des livres qu'il a pu lire. Tristes, heureux, mélancoliques, significatifs, ils sont tous confinés sur les pages à carreaux, écrite avec le même stylo, de la même écriture à demi-lisible venant pourtant tous d'autres pages plus jaunis, plus cornés et plus censé que celle qu'ils tournent avant de dormir. Les fragrances d'un gel douche bas de gamme ou d'un parfum de supermarché. L'argent ne se jette pas par les fenêtres et le parfum est la dernière chose réellement préoccupante dans la vie de Felix. Pourtant, il ne niera pas grandement apprécier l'odeur du mâle de Jean-Paul Gautier et s'offrir une bouteille de temps à autre est toujours plaisant. Il en a plusieurs. Des tas. Sans grande originalité, il citerait peut-être le Jack de Mathias Malzieu, avec son côtés rêveur amoureux, un peu utopiste à parcourir le monde pour sa mademoiselle presque inconnue. Un peu paumé, trop sentimental. Mélange abstrait de douce poésie et d'amour pathético-romantique. Presque touchant.   En bon utopiste et honnête garçon, Felix supporte mal le mensonge, il peut en cautionner certains – bien que difficilement – mais ne saisit pas l'intérêt des gens à masquer une vérité qui finira toujours par laisser des traces sur le mensonge qu'on imposera mais la manipulation reste la faute pour laquelle il a le moins d'indulgence, l'idée même qu'un Homme se permette de manipuler sciemment quelqu'un qui devrait pourtant avoir le libre arbitre sans une quelconque influence malveillante.   Avoir de grands regrets est une idée qui le terrifie. Pas ceux qui vous prennent lorsque vous vous emportez trop vite auprès de votre petite sœur ou celui qui vous prend quand vous vous trompez de température pour la lessive. Mais les regrets qui vont collent à la peau toute votre vie, ceux que vous n'oubliez jamais parce qu'ils vous hantent sans cesse, vous tourmentent constamment, ces regrets-là, Felix les craints plus que n'importe quoi d'autres. Quand on parle ouvertement on ne doit pas être blâmé. Un proverbe qu'il avait lu, il y a très longtemps, resté gravé dans son esprit. D'un véracité étonnante, parce qu'il y a bien longtemps maintenant que Felix a comprit qu'il est impossible de reprocher l'honnêteté quand certains osent pardonner le mensonge. Il est intimement persuadé qu'il suffit d'être sincère pour que les choses fonctionnent un tant soit peu. Rêve. De manière cynique, sincère, métaphorique ce mot à toujours un sens. Peut importe lequel, sa signification est douce, ouverte sur des milliers de possibilités diverses et variées et surtout pleine d'espoirs. Putain. Sans doute parce que ça permet bien souvent d'extériorisé l'irritation de l'instant sans vexer qui que ce soit en utilisant d'autres insultes bien plus visées. On peut même dire que Felix en use parfois un peu trop, par instant le mot servirait presque de ponctuation de fins de phrases. Regarder. Capturer. Dérober. Il emprisonne dans sa boîte à image les instants de vies aussi beaux qu'insignifiants des gens qui passent. Ils regardent d'abord. Il cherche la personne qui exprime le plus à travers ses gestes ce qui pourra faire passer un message dans ses œuvres. Puis il les attrape, les développent. Lentement, il crée un patchwork de sentiments au travers des visages inconnus qu'il croise par hasard. Rien de plus que ce qu'il est. Anonyme parmi les anonymes. Invisible dans les foules, silencieux sur les graviers. Mal habile dans ses mots, bavards dans les actes. Grain de sable parmi tant d'autre, qui se mélange sans jamais réellement s'en détacher, que la marée parfois emporte. Brise aux saveurs de sentiments ringards, se noyer dans les marées hautes, avoir froid durant les marée basse. Ressentir autre chose, d'une autre façon. C'est beau d'être un grain de sable. C'est con, aussi. Felix n'est pas du genre à songer à la mort, c'est quelque chose d'abstrait, trop éloigné de lui et trop insaisissable pour qu'il puisse ne serait-ce qu'entrevoir de réellement se pencher sur la question. C'est le cheminement logique d'une vie plus ou moins longue qui s'achève. Ce sont les gens qui ont peur qui pensent à la mort, il n'en fait pas vraiment parti. Cela dit, s'il devait vraiment être confronté à cette question, il dirait sûrement qu'il se rêve à une mort dans un endroit surélevé où il aurait une vue imprenable sur un lieu quelconque avec en fond l'intro de Bitter Sweet Symphony qui l'accompagnerait. Quelque chose qui ressemblerait à une preuve, la démonstration implicite à travers des mots que le lieu est réel.  Une porte qui s'ouvre et la voix grave de Saint Pierre qui marmonnerait quelque chose comme « essuie tes pieds avant d'entrer » En fait, il rêve d'une phrase idiote qui rendrait l'endroit plus vivant, moins chimérique. Parce que vivre dans un rêve, là où tout est d'une constante perfection, c'est effrayant.

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