on la dit insouciante. est-ce vraiment de l'insouciance à proprement parler ? hallie ne s'imagine pas être à l'abri de tout, bien au contraire, et c'est peut-être justement ce qui la pousse dans cette direction. elle se soucie peu des risques, traverse sans regarder, ne s'interroge pas sur le quotidien, dépense sans penser à ses fins de mois. mais en fait, elle ne sait pas ce qu'elle veut faire, elle n'a aucune idée bien définie, aucun rêve, aucune passion pour la guider. et puis hallie, elle sait bien qu'il suffit d'une seconde pour que tout bascule, pour qu'il soit trop tard. alors elle ne se prend pas la tête, elle ne cherche pas à arriver quelque part. elle vit sa vie comme elle vient, elle suit le chemin qui s'offre à elle sans réfléchir à plus tard, agit comme elle en a envie sur le moment. elle profite de ce qu'elle peut avoir sans vraiment en attendre.   hallie, on pourrait croire qu'elle aime les salauds, que c'est bien son genre de s'amouracher pour un type qui ne s'intéressera jamais à elle pour autre chose que son corps et qui passera son temps à la faire souffrir. mais en fait, non. hallie, elle aime bien les hommes gentils, ceux qui s'intéressent vraiment à elle, qui la font rire, qui la font sourire. ceux qui sont là quand ça va pas. ce qu'elle préfère, c'est la sincérité. oui, parfois ça peut faire mal, quand ce n'est pas ce qu'on a envie d'entendre mais ce sera toujours préférable à des mensonges. hallie, elle ne veut des relations qu'avec des hommes vrais. le bonheur ? elle ne sait pas ce que c’est hallie, que le bonheur. pas vraiment, du moins. peut-être que le bonheur, c’est simplement quand tout va bien, quand il n’y a pas à se poser de questions. quand on peut profiter du moment sans s’inquiéter du reste, sans que rien ne vienne le troubler. le bonheur, ça doit être ce moment auquel on repense après coup en se disant qu’on aurait dû l’apprécier plus, l’apprécier mieux. hallie elle rit souvent. parce qu’elle aime bien ça, elle dit que ça fait du bien, que ça éloigne le noir et le triste, et même tous les soucis. elle dit que c’est une seconde de bonheur, une seconde d’éternité qui durera toujours. alors elle rit pour rien parfois, mais ses plus grands fous-rires sont dû soit à quelqu’un de très drôle soit à l’alcool quand il est présent en un peu trop grande quantité dans ses veines et qu’elle le sent rugissant au creux de son ventre. elle ne pleure pas, hallie, elle retient ses larmes, elle affiche un grand sourire, si faux, mais si vrai que vous ne verriez pas la différence. la pluie, elle est enfouie au fond de ses yeux, et même s’ils brillent un peu, personne ne le remarquera. son dernier chagrin ? elle ne sait pas, elle ne sait plus, et surtout elle refuse d’en garder un souvenir. tout doit être joie et plaisir. alors oubliez ça. snatch, probablement. elle aime bien ses personnages complètement dingues – et écouter mickey et ne rien comprendre, et leur malchance. elle aime bien les regarder faire des erreurs, en se disant qu’ils ne font que s’enfoncer davantage. et puis la fin la fait rire un peu. le chien est finalement la clé de tout, vive les animaux et le hasard. certainement sa majesté des mouches de william golding, qu’elle a relu à de nombreuses reprises. elle ne sait pas ce qui lui plait tant dans ce livre. peut-être le fait que les enfants ne soient pas pour une fois de parfaites créatures, reproductions des adultes. le fait que la noirceur vienne en réalité du plus profond de l’âme des êtres humains, et non d’une quelconque créature comme ils le pensaient. que sa majesté des mouches trouve une résonnance en chacun. on pense tout de suite à un parfum capiteux. quelque chose qui enivre les sens, qui monte à la tête. mais non, hallie préfère les fragrances plus légères. c’est le flower de kenzo, celui qu’elle porte souvent – le seul. si elle ne devait en citer qu’un, ce serait sal paradise sans aucune hésitation. elle le préfère bien à dean moriarty parce que lui n’abandonne pas femme et enfant à plusieurs reprises, et parce que, même s’il commence par simplement suivre, il a le courage de prendre la route sans être en apparence autant fait pour elle que l’est dean. mais il écrit et finalement se retrouve incapable de résister à l’appel sans plus avoir besoin de dean comme point de repère, pour le pousser à partir, et c’est ça qui est beau. hallie ne déteste rien plus que l’hypocrisie et les mensonges. il y a un moment dans la vie où il faut assumer ce qu’on pense, assumer ses fautes au lieu de se cacher derrière des faux semblants. ceux qui viennent vous parler et qui disent plein des choses derrière votre dos après la dégoutent. elle veut des amis sur qui elle peut compter, des gens à qui elle peut faire confiance, des personnes qui ne la trahiront pas. le tonnerre qui gronde, bruit qui agresse ses oreilles, les éclairs qui zèbrent le ciel devenu noir, flashs lumineux qui brûlent sa rétine, l'orage arrive. l'orage la terrifie. elle ne sait pas pourquoi elle en a si peur. peut-être que c'est sa vieille peur d'enfant qui la hante encore, ces soirs où elle se trouvait seule dans l'appartement, blottie dans son petit lit contre la fenêtre et qu'elle devait supporter les volets qui claquaient, le grondement du ciel et la lumière surnaturelle qui entrait dans sa chambre.  cela renvoie à son caractère : hallie l'insouciante, hallie l'inconsciente, hallie l'impulsive, hallie l'égoïste. hallie qui fait des catastrophes et que ça fait beaucoup rire. car oui, hallie ne sait pas cuisiner, elle ferait exploser les gâteaux en mettant trop de levure si c'était possible, hallie ne sait pas non plus conduire, sur un parking avec un seul arbre dans un coin, elle serait capable de planter la voiture dedans. hallie boit trop, parfois, aussi. et elle ne tient pas si bien que ça. mais au lieu de se morfondre, de se dire qu'elle n'est vraiment pas douée, de penser qu'elle n'a aucun avenir, elle en rit. après tout, do not take life too seriously. you will never get out of it alive. euphorie. c’est un mot joli, ça. ça sonne bien, ça fait sourire rien que quand on l’a sur le bout de la langue. euphorie. quand tout le reste ne compte plus, tellement on rit, tellement on est heureux. peu importe si le bonheur est artificiel ou non, tout ce qui compte c’est qu’il soit là.   putain. elle le dit à tout bout de champ, pour un oui, pour un non. putain, t'es en retard. putain, je comprends pas, les trucs ont cramé. mais putain j'y peux rien, je les ai juste mis au micro-onde. non mais attends, comment je pouvais savoir qu'il fallait régler sur 600, putain ? putain putain putain putain. c'est le juron qu'elle est capable de sortir trois fois dans la même phrase, dix fois dans la conversation. étonnamment, hallie aime lire. c’est vrai qu’on ne s’y attend pas, à la voir comme ça. on l’imagine danser dans un bar, un sourire aux lèvres parce qu’elle sait qu’on la suit des yeux, passant une main dans ses cheveux, juste comme ça. avec sa sensualité naturelle, qu’elle est loin de chercher à étouffer. on a plus de mal à l’imaginer assise sagement dans un coin, un livre entre les mains. et pourtant, elle lit beaucoup, hallie. faut dire qu’elle a toujours aimé ça, cette idée de pouvoir s’évader, de pouvoir être quelqu’un d’autre, rien qu’en déchiffrant des signes sur du papier. en vrai hallie, elle ne s’est jamais considérée comme une héroïne : elle est quelqu’un de banal, avec une vie banale et un avenir qui l’est probablement tout autant. la lecture, ça lui permet d’être plus, ou tout du moins de l’imaginer. elle n'a jamais voulu devenir actrice, chanteuse, princesse ou vétérinaire, hallie. faut dire qu'elle a jamais eu de rêves de futur, d'avenir tout tracé dans la tête. alors elle sait pas. qu'est-ce qu'elle pourrait bien être d'autre ? elle se verrait bien poisson, hallie. parce que c'est facile, le poisson ne réfléchit pas, le poisson sait tout, et l'océan est immense et beau. et il n'y a pas d'orage sous l'océan. elle ne sait pas, elle n'y a jamais vraiment réfléchi mais certainement pas dans un lit d'hôpital, ni même dans son lit, trop vieille, trop seule, à fixer le plafond en maudissant ses rhumatismes. hallie, elle veut vivre à fond, elle veut profiter de tout, de chaque instant, de chaque opportunité. hallie, elle veut mourir pendant qu'elle est en train de vivre, vraiment, à fond.  rien. elle ne veut pas que le paradis existe, elle ne veut pas que saint pierre vienne lui parler. elle ne veut pas mourir pour se retrouver enfermée quelque part. non, hallie, elle voudrait devenir étoile en mourant. une étoile, ça brille fort dans le ciel, et ça continue de briller bien après qu'elle se soit éteinte.

BUCKSHOT/Juliette.   giza lagarce.