Eris est invisible. On ne la remarque pas. Eris, elle est secrète, elle vit dans sa tête. Y'a un paquet d'univers qui naissent et meurent sans bruit dans son crâne. Elle ne parle pas beaucoup, sourit de temps en temps, s'efface souvent (parce que tout ça, ça ne l’intéresse pas). Elle est belle pourtant, mais n'y prête pas vraiment attention. C'est Cassius qui achète ses robes, c'est Cassius qui lui met du rouge sur les lèvres, c'est Cassius qui la hisse sur des talons hors-de-prix. Avec tout ça, on peut la penser un peu fade ; erreur dont elle ne cesse de s'étonner. Elle est toute prête à éclater, il suffit de lui demander. Une certaine douceur. Une certaine violence. Elle ne sait pas bien, hésite. Les deux vont souvent ensemble. Eris excuse beaucoup alors ce n'est pas bien important. Il faut simplement que ce soit là, vivant et que ça la fasse vivre. Quelque chose de beau et d'absolu. Quelque chose qui, au fond, n'existe pas. Lorsque son hypothalamus baigne dans la lulibérine. Simple, efficace. Mais ça n'est arrivé qu'une fois. Cassius qui imite Fred Astaire au parloir. Foutrement minable mais terriblement drôle. Il y a des petites choses comme ça dont il n'a pas honte et qu'il fait pour la faire marrer. C'est un peu bancal, un peu touchant et elle le sait bien. Quand il s'est cassé de nouveau tiens. Alien. Parce que la tagline est tout simplement démente. Jacques Ratner, Les échecs féériques, 1976. Elle n'en met pas. Le parfum d'une femme renvoie à quelque chose d'unique, de précieux. Or comment être unique avec une odeur que des milliers d'autres femmes portent? Merde, ça la fout mal. Mais sinon pour les grande occasions, elle sort tout de même une bouteille de CK shock. Raoul Duke, parce qu'il fait bien marrer aussi ce con. La seule chose qu'elle ne pardonne pas, c'est la faiblesse. Cette misérable faiblesse qui semble animer certaines personnes, qui les fait se lever et se coucher toujours un peu plus con que la veille. Le manque d'imagination aussi. Se conformer à ce qui existe et oublier le reste. Le reste est tellement plus intéressant que la réalité. Qu'il se fasse tuer tiens. Abyssus abyssum invocat. Parce que c'est bien vrai. Quand t'es dans la merde, t'as tendance à y rester. Théoriquement. La théorie, c'est toute sa vie. Elle n'y peut rien si elle est une pelleteuse de nuage. Bordel. Au moins une vingtaine de fois par jour, aux rares personnes à qui elle adresse la parole. fumer le cigare en disputant une partie d'échecs. Un quark. Perdu dans l'immensité. Noyé et chéri. De toute les couleurs. Un truc passionnant quoi. en ouvrant une faille entre les mondes et en étant aspiré dans une nouvelle dimension où l'univers tournerait autour de deux soleils et où les terriens tenteraient en fait de coloniser le Soleil I (pour exploiter son énergie) et où elle serait envoyée en expédition scientifique pour terraformer une partie dudit Soleil I, but que l'expédition atteindrait mais qui signerait aussi la fin de cet Univers, du coup avant la destruction complète de l'Univers elle lancerait une bombe atomique pour réactiver le Soleil et mourrait, par la même occasion. C'est assez précis. Le paradis n'existe pas. C'est comme ça.

Toujours la même routine, toujours la fouille, la foule, on se bouscule, on gueule, ça se presse, ça monte dans le bus. On arrive. On attend. Longtemps. Puis on est enfin autorisé à entrer dans la salle des visites, on s'assoit, on se serre, on s'embrasse. Eris n'aime pas beaucoup venir ici. Les visages fermés et mouillés l’oppressent salement. Elle file un peu de linge propre à Cassius, quelques bouquins bourrés de billets aussi, avec des miettes de tabac dans les recoins. Il ricane en regardant les titres. « Qu'est-ce que tu veux que je foute avec ça ? » Il l'embrasse, la serre contre lui. « J'en sais trop rien mon chou, c'est tout ce que j'avais sous la main. » Nouveau ricanement. « T'en auras pas besoin pour ton PhD ? J'voudrais pas t'priver de ta pitance. » Eris se dandine, mal à l'aise soudain. Elle n'a pas très envie d'aborder le sujet. « J'en sais trop rien mon chou. C'est un peu compliqué en ce moment. » Il fronce les sourcils, flairant l'arnaque. Il a un sixième sens pour ça, elle ne peut pas lui mentir. « Compliqué ? » « Compliqué. » Il lui choppe la main, plissant un peu plus les yeux en la fixant. Elle détourne le regard. « Bordel, t'as recommencé hein ? T'AS RECOMMENCÉ ! » « Mais non, je... C'est juste une pause mon chou, c'est compliqué. » Il lui lâche la main, tapant violemment sur la table. « T'AS RECOMMENCÉ ! » Son index se tourne vers elle, accusateur. « BORDEL ! Qu'est-ce que je t'avais dit ? Tu sais combien ça me coûte ta putain d'inscription au CIMS ? TU LE SAIS ? » Elle tripote nerveusement l'ourlet de sa robe, n'osant pas lever les yeux. Il lui semble qu'ils ont eu cette conversation des millions de fois et pourtant, ça recommence. Inévitablement. « Je sais bien mais... Enfin, je... mon chou, je... » « Ne me dis pas que c'est  COMPLIQUÉ ! Ça fait deux ans que ça dure Eris, DEUX ANS ! Deux ans que tu me fais le même coup ! Tu m'avais juré que c'était finit ces histoires, que cette année, cette PUTAIN d'année, tu arrêterais avec tes conneries ! C'est MOI qui le paye ton PUTAIN de doctorat !  » Elle se mordille les lèvres, sursautant à chaque fois qu'il hausse le ton. « Ils m'espionnent. Si tu les voyais, tu comprendrais. Ils veulent me le voler. J'ai beau tout coder, on me vole. Tu sais, grâce à la cryptographie quantique, on le sait quand on est espionné. » C'est trop pour le pauvre Cassius. Il se passe une main lasse sur le visage, ne sachant plus que dire. Eris avance une main, esquissant une caresse sur son avant-bras tatoué. « C'est dur là-bas tu sais. Ces gens-là sont pire que des hyènes. Et avec mon travail, tout mon travail, je pourrais … je pourrais avoir des ennuis tu sais, la première année j'étais suivie tu sais, ils ont fouillé mon bureau et … et … des choses manquaient tu sais, même Perkins travaille pour eux, mon propre directeur travaille pour eux, tu le sais, comprend-moi j'ai pas envie qu'on s'empare de ce que je fais, c'est comme un bébé et ils veulent me le prendre ! » Cassius reprend son bras, se détournant vivement. Il se lève, ramasse les livres. C'est finit et elle a tout gâché avec ses histoires. Mais il a tant de mal à comprendre. Il n'a jamais mis les pieds dans les hautes sphères du savoir. Il n'est pas fait pour comprendre. « Règle cette histoire Eris. On en a déjà parlé, je t'ai donné un an. T'as intérêt à mettre ta putain de paranoïa en veilleuse et finir tes bons dieux d'études. T'as pas à t'occuper du bar, sauf pour les affaires spéciales. T'as tout le temps qu'il te faut pour te consacrer à tes recherches. Déconne pas avec ça. » Elle veut le retenir mais il est déjà parti, avalé par la foule qui se presse pour rentrer.

advitam. par un type louche. anais mali.  .