❖ Il ne faut pas croire à sa tête toute mignonne qu’Enya c’est un ange. C’est vrai que comme ça, on la croirait fragile, incapable de se débrouiller seule, de faire du mal à quelqu’un. On dirait la fille idéale, celle qui ne cause pas de soucis, qui est toujours polie et gentille avec tout le monde. Alors oui, il y a une douceur certaine dans son caractère – il suffit de la voir avec les personnes qu’elle aime, mais elle est loin d’être aussi innocente qu’elle le laisse présager. Un petit peu manipulatrice sur les bords, mais ce n’est pas méchant, Enya elle veut simplement avoir ce qu’elle veut et elle a compris depuis un moment que faire les yeux doux à quelqu’un était une bonne manière de l’obtenir. Personne ne l’obligera à quoi que ce soit, c’est elle qui décide ce qu’elle veut – mais elle se laisse convaincre, Enya, elle se laisse avoir par les jolis mots, les sourires. Alors elle est rancunière, elle se souvient de tout ce qu’on a pu lui faire, de toutes les promesses non tenues, de tous les oublis, et n’hésite pas à le rappeler, même un an plus tard, si la situation s’y prête. Elle a des défauts, Enya, au moins autant que des qualités. Mais il suffit d’un sourire – ce sourire si pur, si joli, si spontané, si communicatif – pour tout effacer.

❖ C’est pas une enfant d’ici, Enya. Il suffit de la regarder quand elle est arrivée, trop douce, trop naïve, pas assez avertie de ce qui viendrait la détourner de son but. Parce qu’elle n’est pas venue ici par hasard, non, elle voulait devenir EC. Mais elle s’est perdue, Enya. Elle s’est perdue en cours de route, dans les paradis artificiels et les néons. Les fantasmes se sont changés en beuh – les joints sont les seuls à la faire rêver désormais. Au monde réel dans lequel elle devrait évoluer, elle préfère des chimères, sans réaliser qu’elle ne fait que s’enfoncer. Elle refuse tout conseil, elle se croit forte, Enya, elle croit qu’elle sait ce qu’elle fait. Mais elle n’est pas plus intelligente qu’une autre, et elle s’enfonce dans l’inactivité au lieu de réaliser ce pour quoi elle est venue à Brookyln. Son avenir part en fumée et elle ne fait rien pour le retenir. Parce qu’elle ne voit rien, Enya, toute persuadée de contrôler la situation qu’elle est. Enya est forte, elle l’a toujours été, malgré la douceur évidente qui se dégage d’elle. Elle a toujours su se relever, apprendre de ses erreurs, et peut-être qu’elle compte un peu trop là-dessus, qu’elle s’imagine que rien ne peut lui arriver parce qu’au final, elle s’en sort toujours.

❖ Enya n’aime pas les hommes gentils. Elle préfère quand tout est compliqué, elle préfère les histoires qui finissent dans le sang et les larmes. Elle haït la facilité, les histoires sans imagination, les couples enfoncés dans la routine qui oublient la fantaisie. Elle aime les grands discours, Enya, et les scènes vibrantes, pleines de théâtralité. Peu importe si, pour arriver à ça, il faut d’abord souffrir, et souffrir pendant, et souffrir après. Elle n’aspire pas à une histoire banale, douce mais posée. Non, elle veut une histoire d’amour digne des mythes, et tant pis – tant mieux – si ça finit mal. Que ça la blesse au passage, elle s’en fout, parce que la beauté des grandes histoires d’amour vient  toujours de la douleur. Elle tend vers l’absolu, Enya.  

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BUCKSHOT/Juliette   Abbey Lee Kershaw