« Tiens, si tu veux on partage ! » Depuis toute petite on lui a appris à devenir celle qu’elle est aujourd’hui. Sa mère lui a montré comment être une femme à part entière, autant pour son goût prononcé pour la mode que pour les tâches ménagères qu’elle accomplissait avec brio. Mais avant toutes choses, on  lui a surtout enseigné les principes et les valeurs à avoir, quel que soit la situation dans laquelle elle pouvait se trouver. Meline est devenue rapidement la petite fille que tout le monde aimait, qui répondait toujours présente lorsque vous aviez besoin de vous confier. Une oreille attentive, une amie généreuse, elle avait appris à être quelqu’un de bien. Quelqu’un de bien certes mais, comme on dit, trop bonne, trop conne. De la d’où elle venait, tout le monde la respectait pour être la fille d’untel, parce qu’elle avait de l’argent et que c’était une personnalité avec laquelle il fallait se montrer. Elle n’était pas du genre à écraser les autres parce qu’elle avait une réputation à tenir non, elle était elle-même et rien ni personne ne pourrait la transformer en l’une de ces garces prétentieuse et hautaine. Meline était l’amie idéale et la fille modèle que toute mère désirerait avoir.

Quand ta mère n’est plus là, t’as toujours tendance à n’en faire qu’à ta tête, comme si cela pouvait avoir une influence sur le cours des choses, la faire revenir. Meline n’échappa pas à la règle. Elle sortit le lendemain soir, prête à s’amuser comme tous les jeunes de son âge du moins, presque. Pour la première fois, elle toucha l’alcool en grande quantité, ne refusa la cigarette qu’on lui tendit. Pour la première fois, elle s’ouvrait sur un autre monde, un nouveau monde dont elle ignorait tout, un monde qui la fascinait mais qui lui faisait peur en même temps. Comme toutes les jeunes de son âge, elle pensait être prête à franchir le pas, suivit son petit-ami dans les escaliers, s’abandonna dans ses bras puis finalement, regretta très vite son choix. « Arrêtes … » Murmura-t-elle assez gênée de ne pas réussir à lui offrir tout ce dont il désirait. Elle baissa la tête, désolée et pourtant certaine de ce qu’elle voulait à présent. « Aller quoi, y a personne tu vois bien ! » Elle avait bu, ils avaient bu. Elle ne voulait pas que ça se passe comme ça, elle voulait que ça soit parfait, comme peu de personnes aujourd’hui. Les lèvres du jeune homme vinrent se perdre une nouvelle fois au creux de sa nuque et de nouveau, elle le repoussa, on ne peut plus décidée. « J’ai dit arrête ! » Consciente que les choses n’allaient pas se dérouler comme elle le souhaitait, alors qu’il passait la main sous son tee-shirt, elle sentit les larmes lui montaient aux yeux et impuissance s’emparait d’elle. « Jake ! » Le supplia-t-elle, mourant d’envie de se casser de cette fête minable. Elle voyait déjà sa vie changer, sa fierté en prendre un coup et tout le tralala. Elle n’était pas fille de pasteur, elle n’allait pas rentrer au couvant cette année mais tout de même, c’était à elle de décider, personne ne devait lui forcer la main. « Oh ! T’as pas entendu ce qu’elle vient de te dire ? Tu la lâches tout de suite ! » Hallelujah ! L’attrapant par le bras, il la dégagea de son emprise alors qu’elle fondit bêtement en larmes, complètement perdue. Jake se mit à rire, dans un état second et prêt à tout pour arriver à ses fins, il n’hésita pas une seule second à insister auprès de ce jeune inconnu alors que la petite brune n’avait encore rien ajouté. « Mais d’où tu sors toi ? Mêles toi de ce qui te regarde ! » La phrase qui était sans doute de trop puisque le coup partit. Meline se sentait alors en état d’intervenir, par réflexe, elle se mit à lui crier dessus comme à sa plus grande habitude. « Laisse tomber… S’te plaît ! » Passant une main dans ses cheveux dans le but de se contenir, elle aussi avait envie de frapper quelqu’un mais, personne ne lui en laissait jamais l’occasion. Elle était soulagée mais en même temps, folle de rage devant l’intervention du petit-ami de sa sœur qui n’avait manifestement rien à faire ici. « Tu rentres ! Maintenant ! » Le ton autoritaire qu’il employait à son égard comme s’il s’adressait à une gamine de dix ans ne lui plaisait pas d’ailleurs, elle ne manqua pas de le lui rappeler, avant de descendre les escaliers quatre à quatre pour montrer sa colère. « T’as cru que t’étais mon père ou quoi ? J’avais pas besoin de toi, j’sais me débrouiller toute seule ! En plus tu foutais quoi là ? Tu m’espionnais ? Sérieusement ? Putain ! » En réalité, il était comme le grand frère qu’elle n’avait jamais eu. A ses yeux, il faisait partie de la famille et ce, même si elle ne le portait pas spécialement dans son cœur. Marley l’aimait et, elle devait l’accepter, pour sa sœur. Mel se méfiait toujours de lui, quelque chose n’était pas net chez cet homme et pourtant, il avait été son héros ce soir-là, il était comme un modèle à ses yeux.

La page d’un livre qui se tourne, un autre chapitre qui commence, un nouveau départ qui pouvait déboucher sur une vie meilleure… Ou pas ! Ou pas surtout ! Meline s’était faite à cette vie de luxe qu’elle menait à Manhattan. Sa mère qui était à ses petits soins, lui avait appris à vivre dans de telles conditions, à avoir tout ce dont elle souhaitait en claquant des doigts sans pour autant être une petite peste. Aujourd’hui, sa sœur la traînait dans rues défavorisées de Brooklyn, sous prétexte qu’ils n’avaient plus d’argent en vue des nombreuses dépenses qu’ils avaient faites ces deux dernières années... Elle n’en croyait pas un piètre mot et savait parfaitement que son petit-ami modèle avait tout claqué pour s’acheter des substances illicites. Tellement plus simple de remettre la faute sur les autres ! Maintenant, elle se retrouvait dans ce petit appartement poussiéreux et lugubre que le jeune homme occupait avant la mort de la mère des filles et donc, avant son emménagement chez les Ayers. Beurk, la scène lui donnait des frissons. Elle balança son sac sur le plancher qui se mit à craquer sous le poids de ses vêtements et demanda d’un ton hautain comme elle en avait l’habitude lorsque les choses n’allaient pas dans son sens : « Euh… D’accord… Et je dors où moi… ? » Marley prit un air innocent et lâchant son petit-ami pour la première fois depuis des heures, disparut dans le décor comme si elle ne voulait pas être tenue responsable de sa réponse qu’il allait lui apporter. « Sur le canapé sweetie ! » Meline ne put s’empêcher de rire jusqu’à ce qu’elle s’aperçoit qu’il était très sérieux. Après ça, elle resta bouche bée, telle une jeune femme à qui on venait d’annoncer que sa paire de chaussures préférées n’était plus disponibles en 38. Son regard se décomposa, son dos pleurait déjà et ses jambes étaient sur le point de lâcher. Son monde s’écroulait sous ses yeux et elle n’avait d’autres choix que d’accepter ce qu’on lui proposait sans rechigner. « Tu te fous de ma gueule ? Aller quoi, on peut s’arranger non ? » Battant des sourcils, tout sourire aux lèvres, ses petites mains jointes, elle fit une nouvelle tentative mais, celle-ci n’eut aucun efet sur le jeune couple qui l’hébergeait. « Rooh, je me casse ! » Bougonna Meline en s’emparant de son sac à main. Puisque c’est comme ça, moi j’m’en vais ! Elle se retrouva dans un petit bar, l’un de ceux qu’elle n’avait l’habitude de fréquenter et attendait sagement qu’on lui demande ce qu’elle désirait boire. Un jeune homme arriva, cria sa commande et on lui apporta en deux-deux. « Oh excuse-moi mais, j’étais là avant et… » Commença alors à expliquer Mel d’un ton poli et calme mais, elle fut interrompue par le bel inconnu qui s’était installé à ses côtés. « Et quoi ma belle ? T’arrives pas à commander ton coca ? Faut savoir s’imposer ici ! » Il faut savoir s’imposait ? « Non mais je rêve ! » Chuchota-t-elle d’un air déconcerté. Décidément, Brooklyn, c’était pire que le Bronx ! La commande du jeune homme arriva et elle siffla son verre en guise de mécontentement. Faut savoir s’imposer, pensa-t-elle très fort dans sa tête. Elle tourna ensuite le regard vers son voisin et lui offrit l’un de ses plus beaux sourire, satisfaite de sa petite vengeance. « Ok… Je m’appelle Evan. » Finit-il par répondre en souriant à son tour. Evan ? Et alors ? Meline se leva, soupira avant de lui répondre et quitter le bar en question. « Enchantée Evan ! » Brooklyn ? Ça ne ressemble en rien à ce qu’elle a toujours connu. C’est différent, dans le mauvais sens du terme malheureusement mais, Mel n’est pas du genre à se laisser avoir aussi facilement et elle compte bien trouver des qualités à cette nouvelle vie et à son nouveau chez soi. Cela fait maintenant plusieurs jours qu’elle y réside et petit à petit, elle commence à prendre goût à certaines choses que peuvent offrir Brooklyn et que Manhattan ne possède pas. Quel bon début !